6/20/2008

Contribution au Débat rencontre nationale NPA 28/29 juin


Etant actuellement au Venezuela, je ne pourrai participer à la première rencontre nationale NPA. Le séjour dans ce pays me permet de mettre en perspectives l’avancée du processus NPA avec des évènements constituants du processus révolutionnaire bolivarien. Il n’est pas question ici de comparer des situations politiques très éloignées mais de faire apparaitre l’utilité et les possibilités d’un parti résolument anticapitaliste, à la lumière des avancées du processus bolivarien mais aussi des ses échecs. Notre activité internationaliste sert à ça... Analyser et s'inspirer du meilleur mais aussi des erreurs de ceux qui cherchent à changer le monde.

En décembre 2008, le processus Bolivarien fêtera ses 10 ans. Premier projet a avoir contesté l'hégémonie néolibérale mondiale, il est important pour nous de le connaître et de le suivre dans ces avancées mais aussi ses limites.Connivence politico-idéologique droite/gauche.

L'élection de Chavez s'est faite dans un contexte politique de connivence extrême, par un accord de partage du pouvoir, entre la droite et la gauche institutionnelle. L'émergence de Chavez en tant que leader politique s'est faite en réaction au terrible "Caracazo" du 27 février 1989, journée de massacre après la promulgation des lois d'ajustement du FMI, les prix ont augmenté de 200 à 300%, des milliers de vénézueliens sont descendus se servir directement dans les magasins, Carlos Andres Perez alors président a envoyé l'armée et ordonné de tirer sur la foule: 3000 morts. Chavez a incarné une alternative politique parce qu'il s'est opposé radicalement au parti AD (Action Démocratique) par ailleurs fidèle adhérent de l'internationale socialiste et maintenant des liens avec le parti socialiste français (d'où le positionnement odieux du PS sur Chavez). Par exemple, La Plaza Francia, immense place de Caracas, en plein cœur du quartier huppé d’Altamira dans la municipalité de Chacao, a été inaugurée par François Mitterrand en 1989 quelques mois après le massacre. Les deux compères de l’Internationale Socialiste prétendaient ainsi célébrer le bicentenaire de la Révolution française, mais ce sont ceux qui descendirent des collines quelques mois avant pour revendiquer le droit à une vie digne qui étaient les vrais continuateurs, les vrais frères, des porteurs des Cahiers de Doléances de 1789.

Le processus vénézuelien, est donc apparu dans un contexte que nous connaissons bien: Connivence politique et idéologique droite/gauche institutionnelle, application brutale des réformes libérales, résistances sociales... évidemment avec des grosses nuances entre les situations vénézueliennes et françaises, mais si nous sentons déjà que notre positionnement en totale rupture avec le parti socialiste est porteur, le processus vénézuelien nous confirme que ce cadre est générateur de mobilisations et d'espérance.

Constitutions...La première campagne politique du gouvernement de Chavez à peine élu, fut le lancement d'un grand débat national, immensément politique, autour du projet de nouvelle constitution. La constitution de 1962, déjà surnommée "la moribonde", représentait un régime qualifié par les vénézueliens de "démocrature": hyper présidentialisme, absence de démocratie, non reconnaissance des droits fondamentaux, persécutions.

La participation de la population aux discussions sur le projet constitutionnel, la rédaction de certains articles spécifiques par des mouvements sociaux a engendré une des constitutions les plus progressistes au monde et surtout a gravé dans le marbre les intentions du gouvernement, ce qui a comme avantage de donner une ligne mais aussi de donner aux luttes un texte officiel pour envisager un débouché (ce qui a généré des luttes où il n'y en avait pas) et une possibilité de bousculer le gouvernement si la situation n'avance pas. L'application sous forme de décret de la constitution par les 49 décrets d'application a conduit le patronat vénézuelien à organiser un coup d'Etat contre Chavez en 2002, avec l'aide bien sûr des États Unis. La population de Caracas est une nouvelle fois descendue défendre le processus et a remis Chavez au pouvoir avec l'aide d'une frange de l'armée, le 13 avril 2002.

Les grands traits de la constitution bolivarienne sont: révocabilité des élus (par référendum à mi mandat), disparition du Sénat, droits constitutionnels aux indigènes, sécurité sociale intégrale, droit à l'éducation, à la santé...

Cette question constitutionnelle, on l'a vu en France en 2005, peut être génératrice d'effervescence politique, de débat et de conscientisation. Un parti comme celui que nous voulons construire devra prendre en main sérieusement cette question, au niveau français (la notre de 1958 n'est pas moins moribonde et pas moins hyper présidentialiste...) et au niveau européen.
D'une certaine manière, Sarkozy en poussant les contradictions des institutions françaises qui rendent possible un tel manque de démocratie, met à l'ordre du jour le changement institutionnel. Un projet de constitution alternatif, en discussion avec la population, prendrait une place centrale dans le débat politique. Ce doit être, je pense, l'une des tâches à long terme de notre nouveau parti.

Révocabilité des élus.
Le 15 Août 2004, après plusieurs tentatives de déstabilisation du gouvernement (coup d'état -manqué- puis gigantesque grève patronale enrayée par la reprise de la production par les salariés du pétrole) l'opposition choisit la voie constitutionnelle pour tenter de virer Chavez. Un référendum révocatoire est organisé, Chavez gagne avec 59% des voix contre la révocation, avec une des plus grosses participations dans un scrutin vénézuelien à cette époque.
Ce qui a pu s'appliquer à un gouvernement populaire, pourquoi un gouvernement de l'élite comme le notre ne pourrait-il pas s'y soumettre. Il y a une tradition du mouvement social latino américain de référendum d'initiatives populaires, par exemple celui sur l'ALCA au Brésil à fait voter 11 millions de personnes contre ce projet de zone de libre échange. En france, l'idée des référendum d'initiative populaire est loin d'être morte, elle resurgit peu ou prou à chaque élection locale. Cela peut être la fonction de notre nouveau parti, mettre un tacle politique à Sarkozy en proposant la tenue d'un référendum révocatoire à mi mandat, pour poser largement la question démocratique, le contrôle des élus, et faire le tour des mairies (cette fois pour une campagne un peu plus grisante que les signatures de maires...) pour évaluer le nombre de mairies volontaires pour l'organiser.

Nouveau parti aussi...
Le Venezuela a aussi connu un processus de création d'un nouveau parti... Le PSUV, peu après l'annonce de sa fondation par Chavez, plus de 7.000.000 de vénézueliens ont adhéré, sur 26 millions d'habitants, inutile de préciser que c'est gigantesque. Cette création répond à une exigence de coordination et d'union des forces du processus, mais tient malheureusement peu compte de toutes les sensibilités, le processus de fondation fut peu démocratique, le bureau politique étant, par exemple, élu par un collège d'électeur non défini, la prise de décision hypercentralisée. Ce manque de démocratie et de cohésion conduit malheureusement à une importante infiltration d'opposants dans le PSUV, et une activité politique difficile pour les forces de gauche radicale. Le dernier référendum perdu concernant l'inscription du socialisme dans la constitution bolivarienne, le "SI" a obtenu seulement 4000000 de voix, inutile de dire que le compte n'y est pas.
La question démocratique, encore plus sur un parti de masse, nécessite d'être centrale dans la création d'une organisation, cette question a divisé les camarades de gauche critique proches de la quatrième internationale au Venezuela, certains sont rentrés dans le PSUV pour faire le maximum à l'intérieur, d'autres n'ont pas accepté cette situation.

NationalisationsDepuis peu le gouvernement ne pousse plus, comme au début, les mobilisations. Il y a une volonté de contrôle des luttes, pourtant quand des luttes sont très importantes, l'Etat cède aux revendications des salariés, qui la plupart du temps, quand il s'agit d'une multinationale, demandent la renationalisation de l'entreprise. Dernièrement l'entreprise de sidérurgie et d'électricité Sidor tenue par des capitaux argentins a été nationalisée, 15.000 salariés étaient en lutte depuis 3 mois, la gestion de l'entreprise est en partie assurée par les ouvriers. Une usine des cimenteries Lafarges vient d'être nationalisée après une importante lutte. Pour nous, cela parait incroyable... Mais le fait de menacer une entreprise quelle qu'elle soit de nationalisation si elle ne respecte pas les droits des travailleurs ou les exigences écologiques, est une chose que nous devons imaginer aussi en tant que débouché concret à beaucoup de nos luttes.
Evidemment la discussion ne s'arrête pas là, et la critique que nous faisons est que les entrepreneurs sont tous dédommagés rubis sur l'ongle. Il y a cependant une réelle volonté de faire participer les ouvriers à la gestion, il faut s'inspirer des ces véritables laboratoires d'idées et d'expériences et analyser des résultats même s'ils restent encore très inégaux.

Transition
Il est évident que les stratégies de transition entre un modèle capitaliste et socialiste sont dépendante de la situation, le gouvernement vénézuelien a choisi de contourner un état gangréné par la corruption et les pratiques politiques de la quatrième république. La solution a été de créer des missions (éducation, santé, SDF, formation professionelle, création de coopérative...) sans passer par les ministères. L'argent venant directement de la principale ressource financière du pays nationalisée en 2002: PDVSA, l'entreprise pétrolière. Cette tactique a le mérite de fonctionner mais les pratiques de corruption et de népotisme sont toujours très dures à enrayer et la droite endogène (droite du chavisme) reprends les mauvaises habitudes... De son côté, le gouvernement de Evo morales a choisi une autre stratégie, licencier tous les hauts fonctionnaires d'état et chercher de cadres dans le mouvement social, ce qui met une panique importante dans le dispositif et retarde beaucoup de choses, les cadres n'étant pas formés pour ça, mais l'issue sera peut être plus positive.

Réfléchir à la transition y compris dès maintenant ne peut être pour nous aussi que productif et générateur de débats très structurants.

D'autres processus sont en cours en Amérique latine, avec chacun leurs stratégies, leurs échecs et leurs avancées. Nous maintiendrons bien sûr toujours un oeil sur ces situations politiques. L'internationalisme est une valeur que nous ne devons pas négliger alors que le capitalisme, lui, fait de son organisation internationale, une de ces principales forces d'argument et d'action.

De Caracas, Julien Terrié

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